Œil de Cobra

 D'après le roman "Los O.T.R.O.S." de Pedro Manas

 

WEB THEÂTRE

Accepter nos différences

Se moquer des différences est une tendance universelle chez les enfants de milieux différents mis artificiellement ensemble. Ce spectacle de marionnettes explique comment réagir pour une tolérance solidaire. 

Parce qu'il a un problème de vue, Franz doit porte un cache-oeil durant un certain temps. De quoi l'assimiler à un pirate. Humilié par les autres, il se réfugie dans une solitude aigrie. Il ignore qu'une partie de ses copains tentent de s'associer pour enrayer ce phénomène de rejet. Invité au sein de cette 'société secrète', il se rallie aux autre pour que ceux qui le sont blessés prennent conscience du malaise qu'ils ont provoqué. Punir une écolière considérée comme parfaite et qui a tendance à regarder de haut les autres à cause de leurs failles devient un objectif stimulant. Leur stratagème ayant réussi, le groupe décide d'intégrer leur victime puisqu'elle a compris que chacun a ses faiblesses, ce qui devrait les rassembler au lieu de les opposer. Cette attitude humaniste est l'objectif proposé aux jeunes spectateurs comme alternative à la vengeance. Trois comédiens, mis en scène de manière inventive par Manon Coppée, déploient une énergie qui rend l'histoire dynamique, enchainement quasi cinématographique de séquences rapides. Ils alternent les manipulations de marionnettes expressives avec ce qu'il convient de caricature pour susciter une connivence avec le public (...).

Michel Voiturier, 20.08.2022

LA LIBRE BELGIQUE

La fièvre de Noël au Théâtre (interview)

 

Arrivée à Huy à 2 h 14 précises en août 2018 pour présenter sa création du même nom aux Rencontres théâtre jeune public, celle-ci a immédiatement fait sensation avec "un spectacle choral, plein de métaphores […], une écriture fragmentée qui parlera aux adolescents", écrivions-nous à l'époque. Avant de parler de "franche réussite". Couronné par le Prix de la ministre de la Jeunesse et par le Prix Kiwanis qui récompense une jeune compagnie, 2h14 avait de belles heures devant lui. Ne s'y étant pas trompés, de nombreux programmateurs étrangers avaient réservé des dates pour la saison 2019-2020. On connaît la suite… Malgré l'annulation de la tournée et des Rencontres 2020 durant lesquelles La P'tite Canaille devait présenter Œil de Cobra, c'est une Manon Coppée, metteuse en scène, pleine d'optimisme qui répond au bout du fil. Aujourd'hui, sa compagnie est dans l'énergie du mouvement, de la représentation, de la rencontre avec le public.

Quel est votre état d’esprit, actuellement ?

On est heureux, après l’annulation de 2020, d’avoir été repris pour Noël au théâtre. À la suite de nos représentations au festival Turbulences, qui se sont super bien passées, on a déjà beaucoup de demandes pour la saison prochaine. Je suis donc assez contente.

Comment avez-vous vécu l’annonce du confinement, vous qui êtes une jeune compagnie et qui veniez à peine de mettre le pied à l’étrier ?

La compagnie a été créée en 2016 et 2h14 est sorti aux Rencontres 2018. Œil de Cobra devait sortir en 2021. Cela a donc été un véritable coup de tonnerre. Le confinement a surtout eu des répercussions sur 2h14. On devait partir en France pour une grosse tournée. Nous avons finalement décidé d'arrêter le spectacle. J'ai vu la dernière sans le savoir. Je me suis ensuite lancée à fond dans Œil de Cobra. Le coup de l'année blanche a été très dur, car on était prêts. À l’attention des adolescents, 2h14 était un spectacle réaliste et dur sous certains aspects. Ce spectacle-ci ne s’annonce pas tendre non plus mais s’adresse aux plus jeunes.

Pourquoi avoir voulu parler aux enfants dès 6 ans, cette fois ?

J'avais envie de m'adresser à une tranche d'âge plus jeune et de parler d'un thème assez fort mais toujours avec une note d'humour. Je voulais continuer à utiliser les marionnettes pour garder une certaine distance et beaucoup de rythme. Œil de Cobra parle du regard des autres, de la manière dont on s'en sort par rapport au groupe. Franz est un garçon normal jusqu'au jour où il souffre d'amblyopie, une déficience visuelle unilatérale souvent qualifiée d'"œil paresseux". Du coup, il va être le dernier choisi dans les équipes de basket. Il ne sait plus lire, plus faire ses devoirs de math… Puis Jacob, le binoclard lui donne rendez-vous à 5 h moins 10 aux lavabos du troisième étage afin de monter une association pour les enfants différents : celui qui porte un énorme appareil dentaire, celui qui est gros, celui qui est grand comme une girafe… Ensemble, ils vont s'entraider, voire se venger à la suite de l'humiliation subie. Mais la vengeance est-elle une bonne piste ? Leur association s’appellera les A.U.T.R.E.S. comme le titre du roman de Pedro Mañas et comme l’acronyme de "les anormaux unis très rarissimes, exceptionnels et surprenants. Ou solitaires. Ou super doués"… Je me suis inspirée d’un roman espagnol pour enfants. J’ai cherché pendant plusieurs mois dans les bibliothèques et j’ai flashé dès les premières lignes. J’ai trouvé cela très drôle, très fort. J’ai aussi eu un cache-œil quand j’étais petite.

Vous avez opté pour des marionnettes plus petites que celles à taille humaine de 2h14. Pour quelle raison ?

J’avais envie de challenge et cela permettait d’avoir plus de marionnettes en même temps sur la table grâce à ce que je nomme le piano, qui permet d’en animer plusieurs à la fois.

Vous sortez de l’IAD (Institut des arts de diffusion). Pourquoi vous être orientée vers le jeune public ?

J’adore le jeune public, car il est direct. On ne passe pas par quatre chemins pour dire les choses. Les thèmes qu’on peut aborder sont très intéressants et j’adore la carte de l’humour qui fonctionne bien avec les enfants et adolescents

Laurence Bertels, 21.12.2021

2h14

David Paquet

Prix de la Ministre de la Jeunesse et Prix Kiwanis aux Rencontres de Théâtre Jeune Public 2018

LA LIBRE BELGIQUE

Des migrations au harcèlement, le théâtre jeune public sans tabou

Côté horaire toujours, "2h14" de la Cie P'tite Canaille, nouvelle venue à Huy, risquerait de créer l’événement avec cette histoire d'adolescents qui se cherchent avec humour et gravité.

Nouvelle venue à Huy, la Compagnie La P'tite canaille arrive avec un spectacle sur l'adolescence qui jouit déjà d'avis très favorables.

Laurence Bertels, 18.08.2018

LA LIBRE BELGIQUE
Huy démarre à "2h14"

Nouvelle venue aux Rencontres, La P'tite Canaille crée l'événement

Waouuuh... Annoncé comme l'une des belles surprises de Huy, "2h14" a tenu ses promesses. Il aura donc fallu attendre le troisième jour des Rencontres théâtre jeune public pour cocher son premier coup de coeur. La P'tite Canaille, nouvelle venue, arrive avec un spectacle tendu, une maîtrise de la marionnette, ces poupées d'Anaïs Grandamy, à taille humaine, avec leurs grands yeux expressifs et leur bouche taillée de part en part, et une version intéressante du texte du Québécois David Paquet, déjà joué à plusieurs reprises outre-Atlantique. "Ils sont doués", déclare, à l'issue de la première, Alain Grégoire, directeur de la Maison Théâtre à Montréal, haut lieu du théâtre jeune public, et venu glaner quelques spectacles, à Huy. Ils sont doués, en effet, et ont capté l'attention de la salle grâce à leur regard ému sur l'adolescence, et malgré la noirceur de leur propos. Dès les premiers gestes, le talent s'impose, les marionnettes prennent vie. Comme les histoires de Pascale qui nie avoir abandonné son fils Charles qui, à 2h14, commettra l'irréparable. Ou celles de Jade, de Berthier, de François ou de Denis. L'une, élevée par deux parents qui se détestent, se tatoue une panthère sur le ventre pour devenir inquiétante, l'autre ingurgite un ver solitaire pour ne plus être traitée de grosse, le troisième sniffe tout ce qu'il trouve et le quatrième, fort en thème, préférerait l'être en pelles. Puis il y a le prof, en plein burn out, qui ne supporte plus les ados. Aucun d'eux pourtant ne souhaitant finir comme cela, lors d'une tuerie dans leur lycée comme l'Amérique en connait trop souvent. Un spectacle choral, plein de métaphores poétiques, tout en nuance et justesse, une écriture fragmentée qui parlera aux adolescents, un autre espace temps, surtout, offert dans cet univers à l'onirisme loufoque voulu par la jeune et la talentueuse metteure en scène Manon Coppée. Une franche réussite. 

Laurence Bertels, 20.08.2018

LE SOIR

A Huy, tous les goûts sont permis

Parmi les coupes qui vont faire fureur cette saison, citons encore 2h14 (dès 13 ans) de la compagnie La P'tite Canaille. Dans des tons résolument noirs, et une mise en scène merveilleusement cintrée, c'est LE spectacle à mettre entre les yeux des ados."La seule façon de survivre, c'est d'être plus noir que ce qui nous entoure : comme ça, personne ne nous remarque", souffle un des personnages. Voilà qui donne la couleur de ce portrait adolescent, qui est au théâtre ce qu'Elephant de Gus Van Sant est au cinéma : un uppercut salutaire dans l'estomac. Celle-ci, en surpoids, se fait insulter à tout va. Celle-là, en surchauffe hormonale, dézingue tout ce qui l'approche, profs compris. Cet autre, premier de classe, rêve de se faire embrasser par une fille. Et ce dernier, shooté à la colle forte, délire jour et nuit. On pourrait sombrer dans la caricature de l'adolescent incontrôlable, limite pathologique, si le texte de David Paquet ne frottait tout cela au point de vue d'adultes tout aussi déboussolés, sans compter quelques frasques narratives surréalistes et un humour improbable. Portées par cinq comédiens caméléons, les marionnettes à taille humaine nous scotchent à leurs déboires. Comme l'atmosphère se charge d’électricité avant l'orage, une sourde menace plane sur cette chronique d'une catastrophe annoncée. Du désarroi d'une mère au besoin d'exister d'un enfant, il y a, dans 2h14, tout le spectre (désarçonnant) de l'humain.                                                

Catherine Makereel, 20.08.2018 

LE SOIR

Triomphes et paradoxes du théâtre jeune public

Parmi les spectacles qu'il vous faudra absolument caser dans l'agenda de vos enfants (pour les parents), ou glisser entre l'heure de sciences et le cours d'histoire (pour les profs).... Citons encore 2h14 (dès 13 ans) de La P'tite Canaille, ses marionnettes troublantes et son texte soigné pour raconter quatre adolescents qui se cherchent et peu aidés par les adultes, tout aussi déboussolés. Noir et hypnotisant !  

Catherine Makereel, 25.08.2018

RTBF.be - Culture
Huy, c'est fini...

Autre fléau des écoles d'aujourd'hui : les tueries qui fauchent d'un seul coup des vies en devenir. "2h14", c'est le titre du spectacle de la compagnie La P'tite Canaille, présente pour la première fois à Huy. Quatre jeunes racontent leurs malaises, leurs frustrations, leurs rêves, jusqu'au moment dramatique... Un regard aigu et ému sur l'adolescence, avec en même temps une distance pince-sans-rire due notamment à l'utilisation de marionnettes à taille humaine, façonnées et manipulées avec art. 

Dominique Mussche, 29.08.2018

LE VIF/L'EXPRESS

Parce qu'on est JEUNES

(...) Cette approche hyperréaliste de la langue des ados est aussi au cœur de 2h14, pièce de l’auteur québécois David Paquet, adaptée en "français de Belgique" par Manon Coppée, tout juste sortie de l'IAD, et sa jeune compagnie La P'tite Canaille. Le spectacle se donnera pour la première fois devant un vrai public lors de Noël au théâtre, après plusieurs représentations professionnelles, notamment aux dernières Rencontres de Huy, dont il est reparti avec le prix de la ministre de la Jeunesse et le prix Kiwanis. (...) Manon Coppée a choisi de faire interpréter les adolescents de 2h14 par des marionnettes accrochées à la taille et partageant les jambes et une main avec leur manipulateur. Ils sont quatre à se démener avec les problèmes typiques de cet âge : Berthier, premier de la classe, est inquiet parce qu'il n'a jamais roulé de pelle à une fille. François sniffe de la colle pour ouvrir les portes qui lui permettent de fuir la réalité. Jade consigne dans des cahiers le nombre exact de fois où elle s'est fait traiter de grosse et Katrina est obligée de voir un psy parce qu'elle a frappé son prof d'anglais. "J'ai l'impression d'être passée par tous ces personnages lors de ma propre adolescence, confie Manon Coppée : la peur de ne pas avoir embrassé un garçon, ne pas savoir que faire de ma trop grande colère - canalisée grâce à la pratique de théâtre -, la peur de ce que les autres pouvaient penser de moi, les excès en soirée... Et même le burnout du personnage du prof de français, Denis, parce que je ne voyais pas alors le sens de ce que je faisais. Ces cinq personnages-marionnettes côtoient sur le plateau une comédienne en chair et en os : la maman de Charles, cinquième ado restant invisible mais dont l'acte final donne tragiquement son titre au spectacle, en un écho de l'Elephant de Gus Van Sant. "2h14 est trop violent pour être montré à des enfants, poursuit Manon Coppée. Avec les ados, on peut traiter des sujets plus durs. Et puis, il a un franc-parler spécifique. Il faut que ça les accroche".

Estelle Spoto, 13.12.2018

RUE DU THÉÂTRE

Jusqu'à l'heure précise du drame

Construire à la façon d'un puzzle dont chaque élément est un fragment d'éclaircissement de la difficulté à vivre, l'histoire est conçue chorale. Chaque protagoniste intervient à son tour pour définir qui il est et ce qu'il ressent de son existence, pour montrer quels moyens il emploie, si absurdes soient-ils, afin de trouver sa place. La mère pense qu'elle a été une hirondelle préparant un nid accueillant pour son fils Charles et non tortue abandonnant ses œufs au hasard d'une plage. Son gamin est une voix qui pratique une radio bien à lui (...) François sniffe pour évacuer la réalité, son espoir de normalité. Berthier n'est pas séducteur et se demande comment passer à l'acte avec les filles et bénéficier d'un grand amour. jade est une obèse comptabilisant le nombre de fois qu'on la traite de grosse et voudrait tomber en anorexie en mangeant des vers qui la rongeraient. Katrina a agressé un enseignant et se retrouve abonné chez un psy. Denis, le prof en burn-out, trouve un goût de sable à tout ce qu'il tente d'ingurgiter. Chacun sera typé au moyen d'une phrase redondante, d'un acte répétitif, d'un désir inabouti. A l'exception de la voix off et de Pascale la mère incarnée par une comédienne, chacun est représenté par une marionnette en grandeur humaine manipulée à vu. Les faciès caricaturés permettent des expressions fortes, burlesques, décalées d'un réalisme manipulateur. Manon Coppée s'est aussi servi de ceux qui manient les pantins pour en faire, en dehors du personnage qu'ils animent, une sorte de choeur à l'écoute de l'action racontée, un décors mouvant et vivant comme un amas bactérien en fermentation, une présence en écho ou en opposition. C'est cette collectivité, uniformément vêtue de noir, par sa gestuelle, amène une fluidité de fondu enchaîné entre et même parfois durant chaque séquence. En quelque sorte le garant d'un rythme qui ne faiblit pas, témoigne du dynamisme même de la pièce. Assurément aussi une façon élégante de passer d'un jeu d'acteur à une présence distanciée de témoins en recul. La réalistaion est une réussite. Elle se concrétise par une dynamique permanente (...).

Michel Voiturier, 21.12.2018